Omar Bongo s'estime lâché par Paris Afrique A peine réélu, le président du Gabon fait face à une fronde de ses supporters et de ses adversaires qui songent à sa succession. Patrick de Saint-Exupéry

RUDES LENDEMAINS d'élections pour Omar Bongo, l'inamovible président du Gabon depuis 1967, réélu le 27 novembre avec 79,18% des suffrages exprimés.

D'abord, il lui faut faire face à la fronde de ses supporters et adversaires. Les premiers, avides de récolter les prébendes de la victoire, se déchirent âprement les faveurs du palais présidentiel. La lutte d'influence est d'autant plus rude qu'elle a pour cadre l'inéluctable succession à venir du chef de l'Etat gabonais, celui-ci s'apprêtant à fêter ses 70 ans. Quant aux seconds, les opposants, tout autant intéressés à la succession, ils n'entendent faire aucun cadeau à un régime qu'ils estiment à bout de souffle.

Mais c'est surtout vis-à-vis de Paris qu'Omar Bongo est embarrassé. Lui, l'homme de la France, celui qui arriva au pouvoir avec la bénédiction de Jacques Foccart et l'appui des «services», a aujourd'hui le sentiment – malgré l'intervention de Jacques Chirac, qui a qualifié sa réélection de «brillante» – d'avoir été trahi par son traditionnel parrain. D'où colère et fureur. D'où, aussi, menaces à peine voilées dont une presse gabonaise, sous influence, s'est fait l'écho.

Règlement de comptes

Contrôlé par un proche du président, le quotidien Le Miroir s'en est ainsi donné à coeur joie la semaine dernière, promettant. dans un virulent article, que «l'heure des comptes ne saura tarder». Selon le journal, qui met en cause Dominique de Villepin, celui-ci peut «jouer» au plus malin, mais il ne saurait oublier que «s'il est là aujourd'hui, il ne le doit qu'à une seule personne : Omar Bongo».

De passage à Paris, René Ndemezo'Obiang, le ministre gabonais de la Communication, un proche d'Omar Bongo, a été chargé de comprendre les raisons de ce supposé désamour afin de retisser des liens : «Est-ce parce que les entreprises chinoises et brésiliennes sont implantées en nombre au Gabon qu'il y a un ressentiment contre nous à Paris ?», s'est-il interrogé lors d'un entretien. Et de clamer alors que «le président voterait les yeux fermés pour Dominique de Villepin».

Pour le palais de Libreville, Paris aurait entre autres fauté en faisant preuve de trop d'indulgence envers Zacharie Myboto, un ancien cacique du régime passé à l'opposition. La réception de l'opposant à Matignon, peu avant les présidentielles, n'a guère été goûtée. Une rude tâche attend maintenant Paris : expliquer à Libreville la nouvelle donne de la relation Afrique-France.