________________________

Là, d’un rêve, d’un vers s’ouvre l’univers libre...
Et vous le voyez bien que je ne le suis pas;
Des pleurs de mon peuple, toute mon âme vibre...
La justice ici-bas n’est pas en équilibre
Mais nous savons avec quels mots riment vos lois...
Et de quels maux vos crimes briment nos droits...

Vous dites que la paix viendra après la guerre
Mais dans la guerre, c’est la faux qui fait la loi
Et le sang innocent crie ses droits sur la terre
Où l’on paie nos morts pour sucrer notre misère:
C’est pourquoi dans leur paix, nous n’avons point foi!

En ces moments où j’ai perdu toute ma force,
Ne puis-je pas chanter l’hymne à la liberté?
Toute protestation est pour l’État l’amorce
D’une bombe faite pour noircir notre écorce:
Car du sort des pauvres, ils tirent leur fierté!

Tous les mensonges que, pour nous sortir du gouffre,
Vous dites, font de nous ces pauvres bataillons
Qui crèvent plus de faim au front — destin d’un cafre!—
Que des tirs ennemis... dites pourquoi l’on souffre?
O vous qui jouissez de nous voir vivre en haillons!

Notre malheur, c’est que l’on croit ce que vous dites:
Et nous savons que de ces mots viennent nos maux
Car, par des tours qui du faux masquent les limites,
Vous parlez de telle manière qu’à la suite,
On attend que la chair repousse sur nos os...

Et lorsque enfin tombent les lueurs vespérales,
Nulle étoile n’orne la nuit dans les ciels bleus
Vos beaux mots, pour calmer nos furies cérébrales,
Sont trop impurs devant les âmes ancestrales
Qui soufflent dans nos coeurs: “Débout! Soldats de Dieu!”...

______________________________
Jules Kébla Paris 29 avril 2001
Rue de l’Ourcq 75019 Paris