A la décharge du régime d'Abdoulaye Wade, on peut dire qu’il est encore récent et qu’il a été forcé de s’appuyer sur des acteurs locaux pour la plupart inexpérimentés. Mais cependant, on peut reprocher à l’Alternance des comportements frisant le mépris à l’endroit de Louga et de ses populations. Mis à part la boutade du président Abdoulaye Wade déclarant à des acteurs culturels de Louga son intention de faire de Louga la banlieue de Kébémer, on peut citer les 3 milliards destinés à la construction du quai de pêche de Potou et finalement détournés vers Loumpoul ; ou bien les 4 milliards de la Banque islamique pour l’assainissement de la ville de Louga et qui, au moment du démarrage des travaux, se réduisent miraculeusement à un milliard et demi. Que penser lorsque des paysans de Louga, venus acheter des semences de bonne qualité déjà stockées dans les seccos de la ville, s’entendent dire qu’en définitive, ces semences étaient destinées aux paysans de Linguère et qu’à la place, ils se voient fourguer des semences de mauvaise qualité ? Il en est également ainsi de l’indifférence affichée par les plus hautes autorités envers le Fesfop de Louga qui est un des rendez-vous culturels les plus importants de la sous-région ; sans oublier l’attitude des autorités de l’alternance orginaires de la région qui, il y a quelques mois, alors que l’Asac Njambour était menacée de relégation, ont manifesté un désintérêt total vis-à-vis de son plan de sauvetage ; sans oublier encore le fait qu’aucun des chantiers vantés par l’alternance n’est visible à Louga : pas de lycée moderne, pas d’espace-jeunes, pas de maison-outils et plus surprenant encore, lorsqu’il a fallu construire le Centre de formation des producteurs agricoles, on est allé le placer dans un no man’s land situé à des kilomètres de la ville comme pour narguer les Lougatois.

Si on ajoute à tout cela, la volonté affichée par les responsables libéraux des autres départements de la région, d’assujettir ceux de Louga, il y a véritablement de quoi perdre espoir de voir le régime de l’alternance renforcer le rôle de capitale régionale dévolu à la ville de Louga.

Quelle responsabilité pour les acteurs locaux ?

Face à cette situation, quelle attitude doivent adopter les acteurs locaux ? Il convient d’abord de souligner avec force que si Louga veut rester une grande capitale, elle ne peut se tenir en retrait de l’évolution des pratiques et des mentalités. Notre élite locale, que ce soit dans l’administration, la politique ou les entreprises, est une élite étroite. Ses membres vivent entre eux, font preuve d’arrogance et ont des pratiques entachées de corruption. Nul à Louga n’ignore les pillages et les ravages faits dans l’économie du territoire par les fonctionnaires de l’administration locale, souvent en complicité avec les acteurs politiques. Et ces derniers ont également, à suffisance, démontré leur goût prononcé pour les querelles de personnes pompeusement baptisées luttes de tendances.

Or, développer Louga et sa région impose très fortement l’implication d’acteurs locaux fonctionnant en réseau et insufflant un esprit entreprenarial et dynamique. Il est donc urgent de combattre ces attitudes psychologiques et pratiques négatives, en ne perdant pas de vue qu’avec la décentralisation, chaque région, chaque commune, chaque communauté rurale construit sa propre histoire.

La région de Louga possède des atouts que beaucoup d’autres n’ont pas. Les pôles de développement existent notamment à Louga, Dahra, Loumpoul, Keur Momar Sarr, Potou et Taré. L’argent non plus ne manque pas, car les émigrés en envoient des dizaines de milliards chaque année et les banques se ruent vers la région. Louga a également le réseau d’influence et de partenariat potentiel le plus dense avec ses populations émigrées dans les cinq continents. L’enjeu stratégique est de maintenir et développer les pôles précités en faisant en sorte que l’arrière-pays ait besoin de la capitale et vice-versa.

Malheureusement, nous n’avons pas de vision globale ni de projets. Nous n’avons pas construit une offre d’accueil pour les porteurs de projets. Nous n’avons pas élaboré une stratégie de promotion de la région et nous n’avons aucun dispositif innovant d’accompagnement, notamment sur les plans culturel, sportif, éducatif et touristique. C’est à tout cela que les acteurs locaux doivent s’atteler d’urgence si nous voulons éviter la fracture territoriale entre Louga et son arrière-pays, comme semblent y pousser certaines autorités de l’alternance. Cet arrière-pays se sent vulnérable face au reste du pays et aux conséquences de la mondialisation comme en attestent les difficultés des maraîchers de Potou. Il attend de nos élites qu’elles rassurent sur les incertitudes présentes et qu’elles soient à l’avant-garde de l’élaboration d’une réponse stratégique partagée, permettant à tous les départements de la région de relever le défi du développement durable. (Fin)

Maniang SALL Démocratie et Solidarité maniangsall@yahoo.fr