Après avoir formé sa propre commission pour l’observation du croissant lunaire, et ayant commencé le Ramadan samedi 23 septembre dernier, c’est-à-dire un jour avant le reste de la communauté musulmane du Sénégal, Serigne Mouhamadou Lamine Sall Ibn Serigne Abasse Sall de Louga fait encore parler de lui, à la veille de la Korité. «Avant l’indépendance, le Mali, le Niger, la Mauritanie, la Gambie, la Guinée et le Sénégal avaient un espace commun pour scruter le croissant lunaire. Il suffisait de l’observer dans un de ces pays pour que les autres suivent. Il n’y a pas longtemps, il arrivait même à Mame Abdoul Aziz (Ndlr : deuxième khalife général des tidianes) de se fonder sur une apparition notée au Mali, au Maroc ou en Mauritanie. Et pas plus que l’année dernière, Serigne Abdou Aziz Sy junior avait fait une déclaration disant que le croissant lunaire a été observé au Mali et en Mauritanie. Il le tenait de Thierno Mountaga Tall, et consigne avait été donnée de célébrer la Korité», a expliqué notre interlocuteur, comme pour légitimer sa sortie de la veille du Ramadan. Se basant sur des résultats communiqués depuis le Mali et le Niger, il avait annoncé le début du Ramadan pour le samedi 23 septembre, pendant que l’immense majorité de la communauté musulmane du Sénégal se focalisait sur le dimanche 24 septembre. «Samedi (21 octobre), le mois de Ramadan 2006 aura 29 jours. A ce moment-là, on observera le croissant lunaire. Si on le voit, dimanche sera Korité. Si on ne le voit pas, ce sera lundi», a fait savoir celui que d’aucuns assimilent à un marabout qui prend plaisir à ramer à contre-courant du grand nombre. Selon lui, les populations n’ont pas à se fier, en la matière, aux déclarations des khalifes généraux qui, eux-mêmes, ne scrutent pas la lune. «Nous qui sommes dehors et regardons la lune, nous avons à leur dire si c’est apparu ou pas. Et à leur tour, ils nous disent comment faire ou se comporter. C’est tout ce qu’on leur demande. Comme au moment de prier, on leur dit que c’est l’heure, quand il s’agit de jeûner on doit le leur dire aussi. Mais, des gens du dehors qui demandent à ces hommes de Dieu, qui ne sortent presque pas de là où ils sont, des nouvelles de la lune, c’est vraiment jouer avec la religion. Ce n’est pas la démarche de notre commission», a martelé Serigne Mouhamadou Lamine Sall. Les membres de sa commission, ce sont Ibrahima Loum au Niger, Thierno Ousmane Diallo, son maître coranique au Mali, des gens de Mauritanie, un imam de Thiès dont le nom n’a pas été révélé, et des disciples de Potou, Taré, Gabar, Thiowor et Louga, dans le département du même nom.

Sa vérité en bandoulière, il défie quiconque pourra lui prouver que sa posture n’est pas la bonne. «Qu’on m’appelle à la télévision, à la radio ou même à la Dic (Division des investigations criminelles) pour me demander ce qui fonde mes arguments ! Personne ne pourra me prouver pourquoi on ne doit pas rompre le jeûne si le croissant lunaire est vu au Mali ou en Mauritanie. Je ne parle même pas du Koweit ou de l’Arabie Saoudite, mais des pays qui nous entourent», a insisté le marabout de Louga. Non sans rappeler que, dans les derniers jours du règne d’Abdou Diouf, une rencontre réunissant au Meridien-Président tous les pays d’Afrique de l’Ouest avait décidé d’une harmonisation des positions et d’une unité d’action par rapport à l’observation du croissant lunaire. Mais, cela n’a pas été suivie.

Par Pape DIAKHATE - Correspondant