Louga est perpétuellement victime de discriminations et d’une pire incurie étatiques jamais subies par une autre localité du pays. Cette attitude déplorable des autorités de l’Etat à son égard est la suite logique du changement dans la continuité intervenu en 2000. Malgré les multiples autorités qui y sont originaires, dont le président Abdou DIOUF, Louga continue, depuis l’indépendance, de croupir sous le joug du mépris incompréhensible des autorités du pays. Cette situation a été toujours gérée par les lougatois selon la philosophie du travail pour soit et dans la conviction que Louga ne peut être que ce qu’en feront ses fils. D’ailleurs, le Sénégal entier reconnaît aux ndiambour -ndiambours leur bravoure et leur boulimie du travail. Ceci peut être vérifié à travers leur présence sur tous les fronts de la vie de la nation ainsi que le courage et le patriotisme dont ils font preuve à l’étranger.

Depuis son accession au pouvoir en 2000, le président WADE, qui se dit Lougatois, ne s’est pratiquement jamais investi dans la résorption du retard de Louga par rapport aux autres grandes villes du pays. Ce retard est perceptible dans tous les domaines : Louga est un désert industriel qui ne compte que deux ou trois unités industrielles, les infrastructures commerciales sont en deçà d’un potentiel de trafic en hausse permanente, les infrastructures sportives et culturelles y manquent cruellement, le nombre de routes bitumées reliant les différentes localités de la région est insignifiant sans oublier l’état de délabrement lamentable des axes routiers de la ville. Ces quelques exemples, qui témoignent des carences notoires du pouvoir, ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan des faillites de responsabilités publiques constatées à Louga.

C’est sous cet angle, qu’il faut d’ailleurs comprendre l’échec de la visite du chef de l’état à Louga le 20 décembre 2006 (inauguration du palais de justice) couronnée par des huées et une manifestation, en brassards rouges, de la colère des lougatois contre le pouvoir. Les lougatois ne sont ainsi pas fiers de leurs dirigeants locaux. Mais il est inutile de s’attaquer au steward alors que c’est le pilote qui est responsable de la catastrophe. Le problème de Louga est d’origine aussi bien suprême que local, mais la responsabilité des autorités de l’Etat est principalement engagée. Les autorités locales ne peuvent, en effet, s’opposer à une quelconque volonté du chef de l’Etat de développer la ville mais inversement, il ne fallait que de la volonté politique locale pour résoudre certaines urgences.

Les autorités municipales et régionales ont fait preuve d’une incapacité abracadabrantesque dans la gestion de la ville. Louga est une ville poubelle où les populations ne respirent que l’azote dégagé par les dépotoirs d’ordures qui se sont sporadiquement constitués dans la ville devant la consternation des populations. Cela pose réellement un problème de santé publique alors que les infrastructures sanitaires sont insignifiantes. La défaillance du secteur sanitaire peut être jaugée à travers l’existence d’un seul centre hospitalier équipé de deux ambulances seulement, pour une population de prés de 250 000 habitants. 1) Les infrastructures sanitaires manquent partout surtout dans les villages environnants où les postes de santé équipés d’ambulance se comptent du bout des doigts. Dans plusieurs villages, les femmes enceintes accouchent chez elles si elles n’ont pas un moyen de transport adéquat pouvant les conduire au poste de santé du village le plus proche. Cette situation s’aggrave d’année en année malgré la propagande démagogique et électoraliste entretenue par le ministère de la santé. D’ailleurs, en Août 2004, une femme enceinte, transportée par charrette, est décédée entre Nguith et Sakal. 2) Les différents axes routiers internes et externes à la ville sont dans un état indigne d’un chef lieu de département. L’état de délabrement des axes, Louga –Linguère et Louga –Touba, témoigne du dévoiement des objectifs prioritaires que s’était fixé le régime dit de l’alternance dans ce domaine. 3) La politique d’accompagnement de l’agriculture irriguée (Potou, Keur Momar Sarr…) est inexistante. Il n’existe aucune infrastructure de conservation, d’où les pertes énormes enregistrées par les cultivateurs sur leurs stocks invendus. 4) Louga ne compte que deux infrastructures commerciales devenues très étriquées et incapables de contenir toute la demande de trafic commercial. Cela se traduit par l’engorgement du « marché central » qui s’est beaucoup dégradé ces dernières années du fait de sa surexploitation. 5) Les infrastructures d’éducation manquent gravement et certains élèves lougatois sont obligés de se déplacer vers Saint Louis, Thiès ou Dakar pour trouver le lycée ou le collège qui leur convient. Il n’y a pas d’espaces jeunes et en matière de culture, il n’y a que le complexe Omar BONGO délabré et qui ne peu même pas abriter de grands rendez vous culturels.

Ma conviction est que la politique de décentralisation, amorcée par le régime socialiste au milieu des années 90, trouve sa pertinence dans sa propension à aborder le développement par la base, telle que théorisée par le général De Gaulle. Au Sénégal, la concrétisation de la décentralisation permettra certainement de mieux libérer les énergies et les atouts locaux mais aussi de mieux cibler l’action de l’Etat sur la résorption des déséquilibres régionaux. Cependant, prés de 15 ans après sa définition, la politique de décentralisation sénégalaise est loin d’atteindre les objectifs escomptés. D’une part, le décollage économique n’est toujours pas constaté dans le pays et la demande sociale flotte, sans réponse, dans toutes les localités du pays. D’autre part, les disparités entre villes du pays continuent de se creuser avec notamment un favoritisme public flagrant en faveur de Dakar et Thiès. La ville de Thiès, malgré ses atouts industriels et extractifs, a bénéficié d’importants investissements publics depuis 2000. La ville de Dakar, malgré son avance sur toutes les autres localités du pays, bénéficie d’investissements publics faramineux avoisinant les 300 milliards de F CFA depuis 2000. Force est ainsi de reconnaître que la poursuite d’une telle dynamique d’action publique inégalitaire, signe un dévoiement pur et simple de la politique nationale de décentralisation. Cette dernière ne réussira que si elle est menée selon la philosophie qui la préconise, à savoir, le réveil des potentialités locales de développement et la mise sur pieds d’une politique publique de développement harmonieux prompte à résorber progressivement les disparités entre les différentes régions du pays.

Devant un tel constat et de telles réalités, les lougatois se doivent de lutter pour : 1) le respect du pacte social qui les lie avec leurs dirigeants, locaux et étatiques. Il s’agit principalement du respect de leurs obligations à l’égard de la ville mais aussi et surtout de la restauration de la place de Louga dans l’échiquier socio- politique et économique national, 2) le démarrage immédiat de tous les travaux de réfection, de constructions, d’assainissement et de nettoyage nécessaires à la restauration d’une image acceptable de la ville, relativement au niveau de développement des autres grandes villes et localités du pays. 3) opérer un choix optimal de leurs dirigeants locaux. Ma conviction est que le choix des dirigeants municipaux et régionaux ne sera optimal que si après ce choix, ces dirigeants se mettent pleinement au service des populations. La tâche des intellectuels de la ville doit être d’influer sur ces choix et d’imposer leurs suggestions sur l’élaboration du programme de développement local tout en veillant sur son respect stricte. 4) La dénonciation, par les personnes averties, de tous les manquements et les carences du système de gouvernance de la ville, qu’ils soient de responsabilité publique ou locale.

Pour finir, il importe de signaler que le verdict des élections passées à Louga témoigne de la mascarade électorale orchestrée par Maître WADE. Il est certain que si le scrutin était transparent, le PDS n’aurait pas plus de 10% à Louga. Il faut immédiatement enclencher le travail de terrain pour le prouver lors des prochaines législatives.

NDIAYE Elhadji Mounirou, Lougatois, REWMI France elhmounir@hotmail.com