Le président de la République, Léopold Sédar Senghor en désamour politique avec le président du Conseil municipal de Louga d’alors, Mansour Bouna Ndiaye, avait fait reporter une visite prévue en février 1977 dans la capitale du Ndiambour, de peur de recevoir comme cadeau royal un lion qui compromettrait sa carrière présidentielle. Ce fait insolite est rapporté dans un pamphlet intitulé «Mon ambition pour Louga» et extrait du livre intitulé «le Prince qui croyait à la démocratie», un ouvrage écrit par l’ancien président du Conseil municipal de Louga, Mansour Bouna Ndiaye.

«Lorsque j’avais décidé, en ma qualité de prince, d’offrir un lion, roi des animaux comme cadeau royal au Président Senghor, ce fût la panique dans le camp de mes adversaires politiques qui sont allés dire au chef de l’Etat qu’il peut mourir de ce cadeau», a rapporté M. Ndiaye. «Lorsque le lionceau ‘’César’’, né au parc zoologique de Vincennes (France) en août 1976, arriva à Louga, mes adversaires politiques ont tout de suite imaginé un activisme mystique et entamé des démarches pour dissuader le président de se rendre à Louga», explique le conservateur du musée historique de Yang Yang. Il a ajouté que ces ‘’ennemis politiques’’ sont allés rencontrer le Président Senghor pour lui dire que ce lion sort de la brousse du Joloff où Mansour Bouna Ndiaye, avec les gris-gris de son père et de ceux de son grand-père Alboury, l’a armé pour que, dès sa réception, il meurt pour que son cousin Abdou Diouf prenne le pouvoir.

Devant le grand bruit que l’affaire fit, Mansour Bouna Ndiaye est allé recueillir, sur le conseil du Premier ministre d’alors, Abdou Diouf, les conseils du khalife général de la communauté tidiane, El hadji Abdoul Aziz Sy sur la question. «Le sage de Tivaouane me répondit qu’un chef d’Etat ne meurt pas si on lui offre un lion comme cadeau. Ton père a offert deux lions, en 1938, au gouverneur général De Coppet et il a vécu plus de 20 ans après», a rapporté M. Ndiaye.

Selon Mansour Bouna Ndiaye, El hadji Abdoul Aziz Sy a rappelé que son neveu Cheikh Tidiane Sy, nommé ambassadeur au Caire, avait offert un lion au Président Gamal Abdel Nasser «qui n’en est pas mort».

Le Président Senghor, qui avait sollicité l’éclairage du khalife général des mourides, Abdoul Ahad Mbacké avait reçu la réponse suivante : «Mansour a hérité de son père des valeurs dont tu n’as pas hérité ; c’est pourquoi il veut t’offrir un lion comme cadeau.» Malgré toutes ses assurances, le renvoi de la visite présidentielle est maintenu, la situation ne s’est pas tassée. L’édile de la commune de Louga n’était pas en odeur de sainteté avec les dirigeants de l’Union progressiste sénégalaise (Ups, devenue Ps).

Il s’est vu obligé d’offrir le lion au parc zoologique de Hann où il mourut 21 ans après. Il rappelle : «Le Premier ministre Abdou Diouf m’avait dit : ‘’Senghor est assez âgé et s’il lui arrivait de mourir, ces gens-là diront que c’est nous deux. Donne le lion au parc de Hann’’.» Selon Mansour Bouna Ndiaye, tous ses problèmes politiques étaient venus de son entêtement, en bravant l’interdiction du ministre de l’Intérieur Jean Colin à débaptiser des rues et avenues de Louga, qui portaient des noms français.

Le lionceau ‘’César’’ semait la panique chez les chevaux qui, dès qu’ils l’apercevaient, se raidissaient et suaient abondamment, s’arrêtaient et urinaient devant le magasin où était gardé l’animal, raconte l’historien.

Aps