Qui a touché à Mademba ?, demande la berceuse. Plût au Ciel que ce fût un mortel, nous l’aurions affronté et nous te lui aurions arraché. Hélas, ce fut le Ciel soi-même, à qui nous retournerons inéluctablement. Alors, nous ne pouvons que verser des larmes, chaudes comme la sève de Salaan sur le sable incandescent du Njambur. Salaan jooyul weet, dit la berceuse. Mais nous qui t’avons perdu pleurons bien de solitude, celle que nous partageons avec tous tes orphelins, de Louga à Liberté. Tes textes inspirés nous ont bercés depuis la tendre enfance, ont guidé nos premiers pas de Lougatois abreuvés à la source de la culture, nous ont accompagnés dans nos moments de mélancolie et resteront à jamais gravés dans les sillons de notre mémoire collective.

Je prie Mademba, dit la berceuse, que tu sois grand… Grand tu as été en paroles comme en actes. Tel est le témoignage unanime de ceux qui t’ont connu, des enfants pour qui tu as transformé ta maison en agora, lieu d’échanges féconds où tu partageais savoir et avoir.

Dunda mata jooy, dit la berceuse. La longévité est réparatrice de biens des griefs. Nous pleurons parce que tu n’es plus, mais le temps n’effacera pas ton souvenir. Tu étais jambur, digne fils du Njambur, inspirateur de Daaro et de Mataar Fanta, poète et preux chevalier dont l’esprit rayonna tel l’astre. Après t’avoir accompagné à ta dernière demeure en ce jour saint de vendredi, nous nous en sommes allés fiers de toi prier le Seigneur, en pensant que si le folklore qui nous tympanise depuis une semaine s’était inspiré de ton bokk doole ci waar wi, le pays serait sans doute en voie de salut. Au es grand Mademba, et tu as choisi de rejoindre Mountaga, Mansour et Majmouth, partis il y a peu, pour ne pas assister au festin putride des charognards sur la carcasse de cette nation que tu as tant chérie.

Bul feew bul jambu, dit la berceuse. Tu ne t’es pas enorgueilli, tu n’as pas tourné le dos aux tiens. Ta noblesse nous a tous éblouis. Le cercle s’est élargi, tu peux reposer en paix. Que l’accueil à toi réservé soit des meilleurs.

Serigne DIAGNE Hann Maristes II